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basilique néo-pythagoricienne

Une découverte extraordinaire  

A quelques mètres de l‘actuelle Porta Maggiore, point de convergence de cinq des onze aqueducs antiques, se cache, à plus de 10 mètres de profondeur, la basilique néo-pythagoricienne. Ce complexe a été mis à jour par hasard, à la suite d’un affaissement de terrain le long de la ligne ferroviaire Rome-Cassino le 23 avril 1917. Même si en 1917 on était au plus fort de la Première Guerre mondiale, on réalisa immédiatement qu’il s’agissait d’une découverte archéologique sensationnelle, aussi bien du point de vue artistique que pour l’histoire des religions. Plus précisément l’effondrement a eu lieu au niveau du couloir d’accès à la basilique. C’est la raison pour laquelle ce couloir aujourd’hui ne fait que quelques mètres alors qu’il était à l’époque antique bien plus long. Heureusement la basilique néo-pythagoricienne n’a pas été touchée par l’écroulement.

Une zone suburbaine

Dans l’antiquité cette zone suburbaine était appelée « ad Spem Veterem » à cause de la présence d’un temple archaïque dédié à Spes, l’Espoir, dont il ne reste aucune trace. Autour du premier siècle avant J-C la gens Statili possédait de grandes propriétés dans la zone de Porta Maggiore et sur la Via Prenestina. Titus Statilius Sauro ou peut-être son petit-fils aurait fait construire la Basilique néo-pythagoricienne de Porta Maggiore. Titus Statilius Sauro était un proche collaborateur d’Auguste, il commanda entre autres les troupes terrestres lors d’une bataille décisive qui entraîna la défaite de Marc Antoine. Le très riche Titus occupa de nombreuses charges dans la fonction publique dont celle de Consul. Par contre Titus Statilius Taurus, l’arrière-petit-fils du précédent, s’était suicidé en 53 après JC. pour ne pas subir la honte du procès dans lequel Agrippine, la mère de Néron et la femme de l’empereur Claude, l’avait entraîné suite à une accusation de pratique de la magie noir. Et d’ailleurs c’est sous l’empereur Claude que la Basilique néo-pythagoricienne a été définitivement fermée.

D’où venait la gens Statili

La gens Statili était une famille plébéienne originaire de la Lucania, une des régions de l’Italie du sud. La gens Statili est mentionnée pour la première fois au troisième siècle avant JC, quand l’un d’eux dirigea l’assaut sur la ville de Thurii. Un autre Statili commanda une troupe de cavalerie alliée pendant la deuxième guerre punique. A Rome, les Statili se sont fait remarquer pour la première fois au premier siècle avant JC, quand certains d’entre eux occupaient le rang équestre. Le premier de la famille à obtenir le consulat fut Titus Statilius Taurus en 37 av. J.-C., et ses descendants continuèrent à occuper les plus hautes fonctions de l’État romain jusqu’à l’époque de Marc Aurèle. Titus Statili Taurus fit construire à ses propres frais, en 29 avant JC, le premier amphithéâtre en maçonnerie de Rome. C’était un amphithéâtre privé de dimensions réduites peut-être lié à une spéculation immobilière visant à augmenter les prix de l’immobilier. Il fut détruit par un incendie.

Une secte secrète

La basilique et ses occupants furent l’objet d’une condamnation sans appel prononcée par l’empereur Claude qui, en tant que Grand Pontife et grand prêtre de la religion d’État, se montra implacable à l’égard des pythagoriciens. Dans les Annales Tacite a écrit qu’Agrippine mineure, épouse de l’empereur Claude et mère de Néron voulait prendre possession des Horti Tauriani, c’est-à-dire des terres de la gens Statili. Elle accusa Titus Statilius Taurus, arrière petit fils de Titus Statilius Taurus de pratiquer la magie. Il se suicida en 55 après JC. Les archéologues ont montré que la basilique souterraine ne resta en activité que quelques années et qu’elle fut bientôt fermée. Son accès fut bouché et l’édifice saccagé, abandonné et oublié. Les archéologues ont trouvé des signes de vandalisme comme l’enlèvement des plaques des colonnes, la destruction de l’autel de l’abside et des colonnettes placées à proximité. La fermeture a comporté le remplissage de l’édifice de terre à travers la lucarne du vestibule. Aucune trace de restauration ou d’usure n’a été trouvée, preuve, la basilique a été très peu utilisée.

La construction de la Basilique Pythagoricienne

La construction de la Basilique pythagoricienne est assez singulière. Elle a été bâtie en creusant de profondes tranchées dans la pierre locale, le tuf et ensuite du béton renforcé d’éclats de silex a été inséré dans les puissants murs porteurs et les grands piliers. Puis la voûte a été construite et pour finir la terre à l’intérieur a été enlevée par la lucarne. En effet, on l’a voulue dès le début sous terre. La basilique néo-pythagoricienne est composée de trois nefs, la nef centrale termine avec une abside. La basilique néo-pythagoricienne mesure 12 mètres de long sur 9 mètres de large et 7 mètres de haut. Les plafonds et les murs sont ornés de stucs. Les stucs représentent des scènes mythologiques dont les thèmes sont la mort, le salut et l’initiation qui libère de la mort. Le sol est en mosaïque blanche bordée d’une bande noir. Les quatre coins du sol sont décorés d’un motif à palmette. Les murs sont bordés d’un socle et d’une bande rouge. La qualité des fresques est très raffinée. Les fresques ont certainement été réalisées par plus d’un artiste. La fonction de cette basilique est incertaine. Un tombeau, une basilique funéraire, un nymphée ou temple néo-pythagoricien, toute la zone jusqu’à la fin du premier siècle avant JC était un énorme cimetière.

Les thèmes qui ornent les murs

Ce qui a fait pensé que la basilique était un lieu de rencontre et de prière d’une secte néo-pythagoricienne c’est la représentation sur l’abside du suicide de Sappho. La poètesse grecque poussée par un héros, se jette du haut d’une falaise dans les bras de la mer, en présence de Phaon, l’amant cruel, la cause de son suicide. C’est le stuc le plus important car il occupe toute la conque de l’abside. Le stuc s’inspire des vers qu’Ovide composa à la lecture de l’œuvre de Sappho. Il y évoque le saut de Sappho. Ce saut n’est pas un suicide, proscrit par le pythagorisme, il symbolise le passage avec l’espoir du salut éternel. Mais pourquoi choisir Sappho, parmi tant de mythes? Pour des raisons inconnues Sappho finit par incarner la perfection, l’idéal littéraire, musical et ses vers portaient des mentions que les pythagoriciens comme les chrétiens reprirent secrètement pour bâtir leur religion. Sappho torturée par son amour pour Phaon se rend à Leucade pour sauter du haut de la falaise et se libérer des chaînes du mal pour renaître en pureté par l’immersion dans l’eau salée qui, comme un baptême, marque le passage de l’âme à l’éternité. 

Mais c’est une autre histoire

Il semblerait que Sappho était petite et qu’elle passait pour aimer les femmes. Elle avait une fille, Kléis, et des amies Atthis, Mégara et Télésippa. Ce sont ces dames qui l’ont inspirée dans ses poèmes, dont très peu sont restés. La différence entre la poétesse et l’autre Sappho était telle que déjà dans l’antiquité on pensait que c’était deux femmes différentes qu’il y avait deux Sappho. Mais revenons au mythe. Phaon était un passeur et il traversait la mer d’une île à l’autre, il était vieux et pas beau du tout. Un jour, une inconnue lui demande de franchir un bras de mer. Phaon s’y prêta si complaisamment que l’inconnue se révèla. La passagère était Vénus la déesse de l’amour et de la beauté. Pour remercier le vieux passeur, elle le transforma en un beau jeune homme qui plaira à toutes. Témoin du fait, Sappho, qui s’éprit du trop beau Phaon au point d’en dépérir d’amour jusqu’à souhaiter mourir. Peut-être que le premier à utiliser ce mythe fut Platon.

Sappho

Selon Ovide, Sappho a survécu au saut alors qu’en fait, Sappho n’est jamais allée à Leucade et ne se serrait jamais jetée du haut d’une falaise. C’était une femme poète qui clamait son amour. Mais pour l’initié, elle finira par personnifier l’âme humaine. C’est l’âme de Sappho qui saute. Cette âme est mise au centre d’une symbolisation de la rénovation spirituelle. Le saut c’est la résurrection espérée. Mais l’exercice du saut dans la mer étant dangereux, les prêtres le remplacèrent par un bain rituel. Le saut de Sappho est l’acte majeur de la foi pythagoricienne, un passage pour renaître après une plongée rituelle à fin de rédemption. Le suicide étant pour les pythagoriciens une abomination. Ils n’ont perçu chez Sappho aucun vice, de cette nature ou d’une autre, sinon ils ne l’auraient pas adoptée. Ce stuc condense la morale et la métaphysique du pythagorisme qui mélangeait légende et réalité.

Pythagore

Aux sources de cette foi païenne, il y a Pythagore. Né sur l’île de Samos, Pythagore s’installe en Italie où il fonde son école à Crotone en 530 avant JC, réservée uniquement aux disciples. Pythagore n’a rien laissé d’écrit. Les pythagoriciens de Rome composèrent une religion ésotérique mélangeant les vieux mythes à des rites nouveaux pour les besoins. Le pythagorisme était une « religion » qui instaura Dieu dans l’intime de chaque conscience et dans les hauts des cieux. L’initiation pythagoricienne devait procurer la palingénésie, c’est-à-dire le « Nouveau ». Dans cette secte, les confrères ne se connaissaient que par une hiérarchie liée au degré de perfectionnement et tenus par le secret. Le pythagorisme attira l’élite intellectuelle autour de la théorie de la métempsycose et sur le fait que tous les éléments vivant sur terre sont liés. Mais les pythagoriciens devenus puissants inquiétèrent le pouvoir en affaiblissant le dogme officiel. Ils furent contraints à l’exil. L’existence de l’hypogée démontre l’importance de ces loges mais aussi le caractère soudain et violent de leur disparition.

La basilique souterraine, la grotte

La basilique néo-pythagoricienne a été voulue souterraine. La lumière rentre dans l’édifice par une grande lucarne placée dans le vestibule. La lumière entre à l’oblique par un lucernaire permettant au regard, en s’élevant, de voir que la augmente vers le haut, précisant les détails en direction de l’abside où figure Sappho. La plus part des édifices souterrains trouvés à Rome sont voués au culte de Mithra. La ressemblance entre le culte de Mithra et les rites pythagoriciens est surprenante. La légende veut que Pythagore, à Samos sa patrie, mais aussi en Italie, aurait creusé secrètement une maison de philosophie, une pièce souterraine pour s’isoler du monde. Dans La République, Platon, pour qui Sappho était « la Dixième Muse », il décrit « un antre, souterrain, ouvert dans sa profondeur à la lumière du jour et où les hommes retenus… ». L’éclairage n’était pas égal à chaque instant il changeait en fonction de la position du soleil. Les adeptes entraient dans la basilique par le côté droit comme des mendiants en quête d’éternité.

basilique néo-pythagoricienne

Les autres thèmes

On voit aussi tout le long des parois Ganymède enlevé par Zeus, Médée offrant une boisson magique au dragon qui garde la toison d’or pour que Jason puisse la voler. L’enlèvement d’Hélene. Le viol des Lapithes, demi-frères des Centaures, ces derniers lors d’un mariage où ils sont invités complètement souls, essaient de violer la jeune épouse et les autres femmes. Après un combat mémorable, les Lapithes finissent par l’emporter. On voit aussi des figures de tritons, des figures de victoires ailées, des instruments de musique, des vases et des bougeoirs, des têtes de méduses fronçant les sourcils avec des expressions différentes, des enfants qui jouent, une cérémonie de mariage, des objets de culte, animaux, un pygmée revenant de la chasse à sa cabane.

basilique néo-pythagoricienne

La doctrine pythagoricienne

La doctrine pythagoricienne arrive en partie de l’Orphisme. En raison d’un péché originel, les âmes étaient contraintes, en guise d’expiation, à s’incarner dans des corps humains ou d’animaux jusqu’à la purification finale. La nouveauté chez Pythagore c’est que la science est l’instrument de purification. Et l’ignorance est une culpabilité dont on peut se libérer par la connaissance. On sait que dans son école il y avait une distinction entre les disciples. Certains étaient des acousmates obligés de suivre les cours en silence et d’autres des mathématiciens qui pouvaient parler avec le maître et à qui la science était révélée. L’enseignement était un enseignement dogmatique ésotérique et dont les chiffres étaient les symboles de l’univers. Pythagore a indiqué l’harmonie déterminée par la relation entre les nombres et les accords musicaux comme substance primordiale (archè). Et voici expliqué la présence de nombreux instruments de musique dans la basilique Néo-pythagoricienne. On sait également que Pythagore utilisait avec ses disciples le banquet sacré, l’agapè, banquet qui est reproduit dans les stucs.  

Notes

  • La visite est possible uniquement le vendredi matin
  • Il faut réserver avec un mois d’avance
  • Elle dure une heure et à associer avec d’autres monuments
  • Pour réserve votre visite écrivez à arterome2@gmail.com ou téléphonez au +393479541221