Un monument caché
Le Casino Giustiniani Massimo était autrefois immergé dans un contexte verdoyant beaucoup plus important que le jardin actuel. L’édifice visible aujourd’hui est tout ce qui reste de la belle Villa Giustiniani Massimo du début du XVIIe siècle. Bâtie sur un terrain cultivé, des vignes semble-t-il, c’est le marquis Vincenzo Giustiniani, prince de Bassano et dépositaire de la Chambre apostolique, était le propriétaire. On ne connaît pas le nom de l’architecte mais certains supposent Carlo Lambardi. Mécène et collectionneur d’œuvres d’art, le marquis Giustiniani avait une collection d’environ 1000 pièces antiques, une des plus importantes collections de l’époque. Son héritier, Andrea Giustiniani, pour embellir les façades du Casino Giustiniani Massimo a fait insérer quelques reliefs de la célèbre collection sur les murs des façades. Le Casino Giustiniani Massimo se compose de deux étages, avec une loggia au rez-de-chaussée, murée au début du XIXe siècle. La façade principale est ornée d’un sarcophage du IIIe siècle après JC placé au centre, au-dessus du portail. Il représente le mythe d’Achille et Sciro. Les quatre fenêtres latérales ont deux médaillons encadrés de couronnes et deux bas-reliefs représentant le mythe de Phèdre et celui des Muses.
Histoire du Casino
À la fin du XVIIIe siècle, la villa est achetée par le prince Carlo Massimo qui, suite au succès remporté par le groupe de peintres appelé les Nazaréens, fait décorer les trois pièces du rez-de-chaussée. Les fresques sont inspirées des œuvres de Dante, du Tasse et de l’Arioste. En 1848, la villa passe à la famille Lancellotti qui, à la suite du projet de lotissement de la colline de l’Esquilin en 1871, cède le vaste parc comme zone à bâtir et en 1885 fait don à la municipalité de Rome du portail monumental de la villa, qui depuis 1931 accueille les visiteurs à la Villa Celimontana. Le terrain situé à l’angle entre via Merulana et via Labicana a été acheté par les Frères Mineurs. Ils avaient dû quitter la Tour de Paul III sur la colline du Capitole lors de la construction du monument à Vittorio Emanuele II. Ici, les frères mineurs, ont construit le nouveau couvent avec le collège et l’église de saint Antoine. Au centre du jardin se trouve une fontaine rustique entourée de chapiteaux, d’autels funéraires, d’anciens fragments ainsi qu’une copie d’une statue représentant l’empereur Justinien. Ce sont les misérables restes de la riche collection Giustiniani.
En résumé
Le Casino Giustiniani Massimo au Latran est une villa du début du XVIIe siècle dont le parc, avant les imposantes interventions d’urbanisme de la deuxième moitié du XIXe siècle, s’étendait entre l’actuelle via Merulana, via Tasso, viale Manzoni et piazza San Giovanni. Aujourd’hui loin des grands circuits touristiques de la capitale, presque caché derrière l’imposante cathédrale du Latran, l’édifice a été construit par le marquis Vincenzo Giustiniani entre 1605 et 1618. C’était une paisible retraite de campagne et un abri pour la riche collection d’antiquités familiales. Passées à la famille Massimo en 1802, entre 1817 et 1829 les pièces du rez-de-chaussée furent entièrement décorées par les peintres nazaréens, dont elles constituent l’une des réalisations les plus importantes. Sur les murs du Casino Giustiniani Massimo sont représentés une synthèse des grandes œuvres littéraires italiennes comme la Divine Comédie de Dante, l’Orlando furieux de l’Arioste et la Gerusalemme Liberata du Tasse.
Les peintres Nazaréens
C’est le nom donné à un groupe de peintres allemands dont faisait partie John Frédéric Overbeck le leader. Le groupe est formé de F. Pforr de Francfort, L. Vogel de Zurich, P. von Cornelius de Düsseldorf, J. Schnorr v. Carolsfeld de Leipzig. Venu à Rome entre 1810 et 1815, ils fondent une fraternité artistique et habitent dans le couvent de saint Isidore pas loin de la place Barberini. Ce groupe vise à redonner l’inspiration de la peinture au christianisme et à imiter les prédécesseurs de Raphaël. Les nazaréens remettent à l’honneur l’art de la fresque. Les sujets allégoriques et religieux les inspirent, ainsi que le Moyen Âge, la littérature et les contes. Ils illustrent l’histoire avec de multiples personnages et souvent sous forme de portraits. Les tableaux imitent, de manière éclectique et froide, les styles primitifs de la Renaissance. Le dessin épuré et stylisé, délimite nettement les formes. Les artistes refusent les jeux d’ombres, font un usage modéré de l’effet de profondeur et de volume. Les couleurs simples et franches, étalées en couches opaques, manifestent la volonté d’un métier maîtrisé.
Les fresques du Casino Giustiniani Massimo
Le cycle de fresques du Casino Giustiniani Massimo est l’une des rares œuvres des Nazaréens encore visibles à Rome, mais l’excellent état de conservation du complexe permet une vision complète des peintures. La clarté de la composition capte immédiatement l’attention, invitant le visiteur à feuilleter les pages des poèmes accrochés aux murs. Pour décorer l’intérieur de la villa, les principaux représentants du groupe se sont inspirés des pierres angulaires de la littérature italienne. La pièce centrale était destinée à Orlando Furioso de Ludovico Ariosto. La salle de gauche voit illustrée la Divine Comédie de Dante Alighieri. Les peintures de la troisième salle représentent la Jérusalem Libérée de Torquato Tasso. Une quatrième salle aurait du abriter les œuvres de Pétrarque mais le projet n’a jamais pris forme. Le cycle de fresques des Nazaréens du Casino Giustiniani Massimo est un acte d’amour de peintres étrangers envers l’Italie et l’esprit italien. Un voyage fascinant entre peinture et littérature dans un lieu intime et réservé. Vous y trouverez un endroit agréable et silencieux aux couleurs vibrantes et vives.
La salle de Dante
La salle dédiée à Dante et à la Divine Comédie est la plus réussie, la plus excentrique et la plus intéressante bien que il y a une différence de style entre L’Enfer, le Purgatoire et le Paradis. Et ceci car initialement la décoration a été confiée à Cornelius. Il commence les dessins du plafond, mais en 1818 il quitte Rome pour Munich. Le marquis passe alors la tâche à Philipp Veit, qui n’exécute que le plafond avec le Paradis. A la fin, c’est Koch qui achève les fresques de la salle, avec l’Enfer et le Purgatoire tandis que Franz Horny s’occupe des guirlandes de fruits et de fleurs. Ici Dante est dépeint comme un narrateur et comme un personnage, menacé par les trois bêtes sauvages dans la sombre forêt avant l’apparition salvatrice de Virgile. Levant les yeux on voit peints les personnages rencontrés. On y voit une élégance à la manière de Raphael. On peut admirer la Sainte Trinité et la Madone assise sur le trône, Dante et San Bernard. Sur les murs de la salle, le visiteur peut retracer les faits qui accompagnent Dante dans sa rencontre avec certains des personnages. On voit les damnés en proie aux tourments infernaux, les pénitents rassemblés sur le navire. On peut assister à une sélection de châtiments. Tout le tragique du Jugement de Michel-Ange et la luminosité des nus de Luca Signorelli dont les Nazaréens se sont toujours inspirés résonnent chez les damnés.
La Jérusalem Libérée
« Canto l’arme pietose e ‘l capitano che ‘l gran sepolcro liberò di Cristo. Molto egli oprò co ‘l senno e con la mano, molto soffrì nel glorioso acquisto; e in van l’Inferno vi s’oppose, e in vano s’armò d’Asia e di Libia il popol misto. Il Ciel gli diè favore, e sotto a i santi segni ridusse i suoi compagni erranti ». Dans la Stanza del Tasso, le thème est plus romantique que dans les deux autres salles. Sur la voûte et dans l’un des panneaux du mur ouest, Overbeck a peint à fresque les épisodes les plus lyriques du poème, attribuant les autres murs à la narration des valeurs épiques-chrétiennes. L’artiste a réussi à représenter la ville occupée par les infidèles puis libérée, au milieu des souffrances amoureuses de Tancredi et Clorinda, Armida et Rinaldo, Olindo et Sofronia. Avant de quitter les lieux en 1827, Overbeck peint son portrait celui du commendatarie et celui de Torquato Tasso. Overbeck quitte le chantier car selon lui le projet était devenu trop profane et s’était éloigné de la pureté de son inspiration. Les travaux ont été achevés deux ans plus tard par Joseph von Fuhrich qui a ajouté les portraits des nouveaux propriétaires : Massimiliano Massimo avec Christine de Saxe et leurs deux enfants, Barbara et Vittorio.
L’Orlando Furioso
Le donne, i cavallier, l’arme, gli amori, le cortesie, l’audaci imprese io canto, che furo al tempo che passaro i Mori d’Africa il mare, e in Francia nocquer tanto, seguendo l’ire e i giovenil furori d’Agramante lor re, che si diè vanto di vendicar la morte di Troiano sopra re Carlo imperator romano. La salle centrale, dédiée à l’Orlando Furioso de l’Ariosto, a été décorée de fresques par Julius Schnorr von Carolsfeld. Les travaux débutent en 1818. Parmi les thèmes du poème, on voit les amours de Bradamante et Ruggiero, ancêtres de la dynastie Este sont les plus importants. Les longs côtés de la salle sont dédiés aux épopées. On voit les combats victorieux des soldats chrétiens contre les infidèles sur la voûte, tandis que l’armée d’Agramante, l’armée franque de Charlemagne et les plus redoutables guerriers sarrasins défilent le long des murs. La lecture en images se poursuit avec la découverte de l’amour d’Angelica et Medoro, la folie d’Orlando. Un blason porte la signature de l’auteur et l’année 1827. Dans ces peintures également, on sent l’influence de Raphaël en particulier à scène de l’Incendie de Borgo des les chambres de Raphael mais il fait aussi la référence aux personnages de la Chapelle Sixtine de Michel-Ange.
Pour conclure
Une curiosité, lorsque le Casino passe à Massimiliano, frère du marquis Massimo, la femme de Massimiliano, Christine de Saxe, fait retoucher les scènes de nu qu’elle jugeait indécentes. Et c’est alors que dans l’étreinte entre Paolo et Francesca, elle fait éliminer Paolo. Résultat, le pauvre Paolo effacé, Francesca reste seule dans une étreinte étrange et incomplète. Pendant la deuxième guerre mondiale, les salles du rez-de-chaussé peintes par les Nazaréens étaient utilisées par les officiers SS comme salle à manger. Le Casino Giustiniani Massimo est à quelques rues de la préfecture de police qui se trouvait pendant la deuxième guerre à via Tasso. Si hier de nombreux partisans y ont été torturés aujourd’hui l’édifice de via Tasso abrite le Musée Historique de la Liberation.
Notes
- Le Casino Giustiniani Massimo est situé à Rome via Matteo Boiardo 16
- Il est ouvert les mardis et jeudis de 9h à 12h et de 16h à 18h, tandis que le dimanche il est ouvert de 10h à 12h (les autres jours uniquement sur réservation)
- L’entrée est gratuite, une offerte est bien acceptée
- Préférable appeler le 06 70495651 avant de faire visite au Casino Giustiniani Massimo
- Pour réserver vos visites écrivez à arterome2@gmail.com ou téléphonez au +393479541221