Jusqu’au 14 septembre 2025 se tient au Chiostro del Bramante l’exposition « Flowers ». De la Renaissance à l’intelligence artificielle c’est un voyage parfumé dans lequel émerge le pouvoir évocateur des fleurs, capable d’unir l’art, la science et la technologie dans une histoire universelle qui traverse les siècles. Il y a des chefs-d’œuvre de Jan Brueghel et Ai Weiwei aux plus récentes expériences de l’art contemporain avec les technologies numériques. Fragiles et puissantes, les fleurs parlent un langage universel capable de traverser les siècles et les cultures. Elles racontent des émotions, célèbrent la beauté. L’exposition, organisée par Franziska Stöhr avec Roger Diederen, en collaboration avec Suzanne Landau, propose un voyage à travers cinq siècles d’art, de culture et d’innovation.
Le cloître de Bramante
Dés l’entrée, le cloître est envahi de motif floréal. C’est une installation de Austin Young réalisée à l’occasion de cette exposition. L’artiste installe un dialogue entre « »Flowers« et l’architecture Renaissance du cloître. Grâce à une recherche et une réinterprétation méticuleuses, l’artiste a construit une œuvre qui célèbre l’harmonie dans l’architecture de Bramante, l’architecte du cloître. L’œuvre se propose comme un hommage symbolique à Gaïa, la terre mère de la mythologie, et à Marie, la Mère de l’humanité selon la tradition chrétienne. La composition caractérisée par une explosion vivante de motifs botaniques et de fragments d’œuvres d’art présentes à Rome. Elle nous invite à réfléchir sur la relation entre nature, spiritualité et régénération.
La première salle de l’exposition Flowers
Sous un couvercle en verre se trouve un instrument pour la pollinisation et la récolte des agriculteurs chinois. Un panier fait main, un pot de pollen, des bâtons de bambou avec des plumes de poulet. Les œuvres de l’artiste allemand Maximilian Prufer mêlent art et dénonciation écologique. Elles racontent l’histoire de l’interaction entre l’homme et la nature à une époque de crises écologiques. Une fleur de poirier pollinisée manuellement dans la province chinoise du Sichuan est le symbole de la lutte contre l’absence d’insectes pollinisateurs, décimés par l’usage intensif de pesticides.
Honey Head of the Emperor Hadrien
Cette œuvre de Tomas Gabzdil Libertiny est une synthèse exceptionnelle entre technologie et processus naturels. Elle a été créée avec la contribution de milliers d’abeilles. Créées dans une ruche située dans le jardin d’Art du Musée d’Israël, les sculptures explorent le dialogue entre passé et présent, en s’inspirant de l’ancienne méthode de moulage à la cire perdue. Cette méthode était utilisée dans l’Antiquité pour créer des sculptures en bronze à partir de modèles en cire d’abeille. Les sculptures en cire étaient remplacés par du bronze fondu pour obtenir un moulage parfait. La sculpture en nid d’abeille reproduit une tête en bronze de l’empereur Hadrien datant de 130 avant JC. trouvé dans la vallée du Jourdain en Israël. L’œuvre Honeycomb met en lumière le rôle crucial que jouent les abeilles à la fois en tant qu‘insectes pollinisateurs et en tant que gardiennes de la biodiversité au niveau mondial.
Too Close to Notice
La série Too Close to Notice de Jeleff et Pichier explore l’intersection de la beauté naturelle et des menaces environnementales. Au centre de la recherche se trouve Aspergillus Fumigatus, un champignon pathogène qui se propage via le commerce des bulbes de tulipes et a de graves conséquences sur la santé humaine et les écosystèmes. L’autre œuvre Flora Splendor à la lumière de la serre de Victor Freudemann, artiste allemand, explore l’intimité et la poésie de la serre, un lieu qui allie architecture et nature pour faire pousser des plantes exotiques dans des environnements adaptés. L’artiste choisit de ne pas souligner le caractère symbolique et représentatif de ces espaces, souvent lié à la richesse et au prestige des cours, mais de se concentrer plutôt sur le spectacle naturel des jeux d’ombres et de lumière.
Quatrième salle de Flowers
L’une des œuvres exposées est une sculpture en marbre de Jules-Aimée Dalou. Créée en 1866, la figure d‘Ève rappelle les modèles des Antiquités. Ève, tentée par le serpent, goûte une pomme de l’Arbre de la Connaissance. Le Narcisse d’Eduard Théophile Blanchard, de 1876, est l’histoire d’un magnifique jeune homme incapable d’aimer autre chose que lui. Consumé par l’impossibilité de posséder l’image qu’il contemple, Narcisse se laisse mourir et se transforme en une fleur qui porte son nom. Le Triomphe de Flore et Jean-Baptiste Carpeaux. L’œuvre a été commandée par Napoléon III pour le pavillon de la Flore du Louvre. Le haut-relief en terre cuite représente la déesse romaine nue des fleurs et du printemps. L’Annonciation de Giuseppe Castellano représente l’archange Gabriel annonçant à Marie la conception divine de Jésus. Un élément central de l’iconographie de l’Annonciation est le lys, symbole de pureté, d’innocence et de virginité.
Le langage des Flowers
Cette salle est une chambre des merveilles moderne où l’art et la science s’entremêlent, créant un dialogue qui explore les merveilles de la nature. Les Wunderkammer, créations typiques de la Renaissance, étaient des lieux extraordinaires où collectionneurs et érudits rassemblaient des objets rares et précieux, des trouvailles naturelles, des créations artistiques, des curiosités scientifiques, des artefacts de mondes lointains. Ces espaces avaient été pensés pour inspirer l’étonnement et la réflexion en montrant l’immensité et la complexité du monde. Dans cette salle est exposée une collection hétérogène qui traverse les époques et les disciplines. C’est un hommage à l’interconnexion profonde entre l’art et la science. Chaque œuvre exposée célèbre cette relation symbiotique.
La couronne de mariage de Sissi
Parmi les objets exposés dans cette salle se trouve la couronne de mariage de l’impératrice Sissi.
Réalisé à l’occasion du mariage de Sissi avec l’empereur François Joseph d’Autriche, cette couronne est un exemple raffiné de la tradition des bijoux de mariage au sein des familles royales. La couronne réalisée avec un savoir-faire extrême reproduit de délicates fleurs de myrte et des fleurs d’oranger, deux symboles riches en significations. Le myrte, emblème de la virginité, de la beauté et de l’amour, est associé aux couronnes de mariage depuis le XVIe siècle. Les fleurs d’oranger, introduites comme ornement pour les mariées seulement au XIXe siècle, se sont rapidement imposées comme un symbole de pureté et de fertilité, reflétant le romantisme et les nouvelles sensibilités esthétiques de l’époque. Cette couronne, en plus d’être un objet de grande valeur, représente un exemple extraordinaire de la tradition orfèvrerie du XIXe siècle dans laquelle le souci du détail et la compétence technique s’unissent pour célébrer les idéaux de beauté et d’amour conjugal.
Extra Natural de Miguel Chevalier
Dans Extra Natural, Miguel Chevalier explore les entrelacs complexes de la nature et de l’artifice, . Il invite le spectateur à s’immerger dans un jardin virtuel mêlant réalité et imaginaire. L’œuvre représente une nature réinventée au-delà de toute classification botanique traditionnelle. Un monde où le numérique se transforme en un univers numérique qui défie les frontières de la réalité. Le jardin virtuel de Miguel Chevalier est peuplé de fleurs imaginaires et lumineuses, de plantes aux feuilles translucides, de fleurs exotiques aux coroles extraordinaires et de structures grandioses qui se transforment continuellement. Grâce à un générateur algorithmique, chaque plante émerge, s’épanouit et fleurit selon des cycles de vie uniques définis par des caractéristiques morphologiques programmées. Extra Nature n’est pas seulement une expérience visuelle mais une réflexion profonde sur l’équilibre entre l’homme et la nature.
Le parcours fleuri de Flowers
Ce parcours fleuri au sein de l’exposition Flowers est une invitation à se perdre dans un jardin intemporel où art et nature se mêlent en parfaite harmonie. Monter ces marches, c’est comme traverser un lieu enchanté où chaque fleur ouvre des pétales d’émerveillement et chaque battement d’ailes des grands papillons vous invite à ne pas craindre le changement et à regarder ce qui vous entoure avec des yeux renouvelés. Un moment de suspension, une douce décompression pour nous préparer à accueillir les prochaines suggestions de l’exposition qui se poursuit à l’étage. Ici, entre lumières et couleurs, chaque étape devient partie d’une expérience immersive qui mène à de nouvelles expériences.
Fleurs et Politique
Les fleurs, avec leur beauté désarmante et leur apparente fragilité, sont devenues au fil du temps de puissants symboles de résistance et de protestation. Cette section explore comment le langage des fleurs a pu exprimer les luttes et les aspirations humaines les plus profondes, se transformant en un emblème de renaissance et de liberté. Leur simplicité est trompeuse. Une fleur peut être un acte de rébellion, un cri d’espoir. Les fleurs, symbole de la révolution des œillets au Portugal, ont réussi à exprimer la révolution sans effusion de sang et ont marqué la fin d’une dictature. Les fleurs déposées sur les fusils lors des manifestations contre la guerre du Vietnam sont devenues des symboles de paix. Jusqu’aux bouquets de fleurs offerts aux policiers lors des récentes manifestations, un geste qui invite au dialogue et à la réconciliation. L’art, comme les fleurs, devient un véhicule de transformation. Dans cette section, les œuvres explorent les fleurs comme emblème politique. Une fleur peut contenir en elle le pouvoir du changement et de l’espoir.
Margaret Woffington
Dans Margaret Woffington, Kelinde Wiley reprend la tradition du portrait européen pour explorer les thèmes du pouvoir, des privilèges et de la représentation. L’œuvre s’inspire à un portrait de l’actrice anglaise Margaret « Peg » Woffington, figure marquante du théâtre du XVIIIe siècle, célèbre pour son talent et sa capacité à bousculer les conventions sociales de l’époque. Wiley réinterprète ce modèle historique en insérant un sujet masculin contemporain d’origine africaine, habillé de détails qui reflètent la sensibilité et l’identité du présent. La pose et la composition conservent la théâtralité et le dynamisme typiques de ce genre de portrait tout en établissant un dialogue critique avec le passé et en soulignant l’absence historique des personnes d’origine africaine dans les grands canons artistiques occidentaux.
Blackfield
Blackfield est une œuvre d’une beauté et d’une complexité extraordinaires qui unit l’art, la botanique et la réflexion philosophique. Cette installation de l’artiste Zadok Ben David est composée de milliers de fleurs en acier gravées, chacune dérivée d’une illustration botanique. L’œuvre joue avec la perception et la perspective, évoquant de profondes réflexions sur la vie et la mort. L’installation apparaît comme une étendue de fleurs, suggérant un sentiment de désolation et de fragilité. Cependant, à mesure que le visiteur se déplace dans l’espace, l’œuvre révèle sa face cachée. Étonnamment, chaque fleur a une surface colorée, transformant l’atmosphère en une explosion de vie et de joie. Ce paysage illusoire qui rappelle les jardins et les rêves, est un hommage à la nature. La création de Blackfield a nécessité une attention incroyable aux détails.
The Marias
Les Marias de l’artiste franco-canadienne Kapwani Kiwanga se concentrent sur le rôle symbolique et historique de la soi-disant « fleur de paon », Caesalpinia pulcherrima, comme outil de résistance et d’autodétermination. L’ouvrage, composé de deux représentations en papier de la fleur à différents stades de croissance, rend hommage à la scientifique et naturaliste Maria Sibylla Merian et à ses publications révolutionnaires de 1705. Ce livre documente l’utilisation de graines de fleurs de paon comme abortif par des femmes africaines réduites en esclavage au Suriname. Ces femmes cachaient les graines dans leurs cheveux pendant la déportation. Kiwanga, une artiste issue d’une formation anthropologique, met en avant cette histoire douloureuse et négligée, transformant la fleur en un puissant symbole de résistance contre l’oppression coloniale et la violence sexuelle. Tout au long de l’œuvre, l’artiste souligne le lien entre la botanique, l’émancipation et l’importance des connaissances ancestrales comme forme de survie et de lutte.
That flower that never dies
À une époque où la frontière entre réalité et numérique devient de plus en plus floue, « La fleur qui ne meurt jamais » invite à une réflexion profonde sur la nature de la perception et la résolution du soi-disant dualisme numérique. À travers une représentation hyper colorée et surdimensionnée de la nature, Lee Baker et Catherine Borowski explorent la manière dont le monde physique s’entremêle avec le monde virtuel, surmontant la séparation traditionnelle entre les deux. Les fleurs, toujours symbole de la beauté éphémère du monde naturel, deviennent les protagonistes d’une réflexion sur la résistance du numérique.
The Piligrim in the Garden
Le Pèlerin dans le jardin ou Le Cœur de la rose est l’une des interprétations les plus évocatrices du roman médiéval « Le Roman de la Rose » du peintre et designer Edward Burnes-Jones. Ce poème allégorique français, traduit et apprécié en Angleterre dans le cadre de la tradition littéraire courtoise, raconte le voyage d’un poète pèlerin dans un jardin enchanté. Ici, le protagoniste tombe amoureux d’une rose, symbole de l’amour idéal, mais il est contrecarré par des forces adverses représentées par des buissons d’épines emmêlés. Ce n’est qu’avec l’aide du Dieu de l’Amour que le pèlerin parvient à conquérir la rose, renforçant ainsi l’allégorie du désir amoureux comme quête spirituelle et sacrifice. Burne-Jones était l’un des principaux représentants du mouvement connu sous le nom de préraphaélites. Ce groupe avait pour objectif de régénérer l’art britannique en récupérant la pureté, les détails minutieux et les thèmes spirituels typiques de l’art médiéval et de la Renaissance avant Raphaël.
Notes
- Flowers jusqu’au 14 septembre
- Chiostro del Bramante
- Du dimanche au jeudi de 10h00 à 20h00.
- Vendredi et samedi de 10h00 à 21h00.
- La billetterie ferme une heure plus tôt.
- Le prix du billet est de 19 euros