Un artiste belge à Rome
L’exposition Michiel Sweerts, réalité et mystères dans la Rome du XVIIe siècle, se tient jusqu’au 18 janvier 2025 à l’Académie Nationale de Saint Luc au Palazzo Carpegna à quelques pas de la fontaine de Trevi. Elle représente une rare occasion d’explorer la production d’un peintre comme Michael Sweerts, dont l’histoire humaine et artistique se développe entre Bruxelles, Rome et Goa où probablement il trouvera la mort. C’était un fin maître du pinceau, un aristocrate capable de s’exprimer en sept langues, un philanthrope, un enseignant, un voyageur. L’exposition, organisée par Andrea G. De Marchi et Claudio Seccaroni, entend révéler la complexité et le caractère unique de la figure de Michiel Sweerts.
Michiel Sweerts un aristocrate peintre
Né à Bruxelles vers 1624, Michiel Sweerts est presque ignoré de son époque. Redécouvert au XXe siècle, il était apprécié des historiens de l’art tels que Roberto Longhi, Vitale Bloch et Giuliano Briganti. L’année dernière, un de ses tableaux, la Vierge en prière, a été vendu chez Christie’s pour près de deux millions de dollars, largement au-dessus des estimations initiales. L’acte de baptême de l’artiste est aussi une énigme. Attesté en 1618, l’artiste se dit né en 1624. On sait que sa famille faisait partie de la noblesse catholique de Bruxelles qui commandait la Flandre depuis 1383, se vouant également aux œuvres de charité.
Dix ans à Rome
Michiel Sweerts se forme sous l’influence de la peinture flamande caractérisée par un souci du détail et de la réalité, tout en mêlant la tradition italienne du clair-obscur et de la théâtralité. Il séjourne à Rome de 1643 à 1653, en tout 10 ans, il habite via Margutta de 1646 à 1651 et entre en contact avec la communauté des peintres hollandais, flamands, allemands et français. Il ouvre un atelier où il collecte des moulages en plâtre de fragments anciens et modernes, qu’on retrouve dans ses toiles comme traces classiques d’e’une Rome du passé et outils d’une pratique d’artiste revendiquée, par opposition aux approches abstraites et théoriques habituelles.
Influencé par les Bamboccianti et Caravage
Son art s’est développé à une époque où Rome était un centre palpitant d’art et de culture. A l’époque, Rome accueillait des artistes de toute l’Europe. Influencé par les Bamboccianti et par l’étude des peintures du jeune Caravage vues dans la collection de la famille Pamphilj, Michiel Sweerts, se consacre à des représentations qui racconte le quotidien. Ses toiles se caractérisent par une attention aux détails de la vie quotidienne, aux visages d’hommes et de femmes capturés dans leur réalité et en même temps par un voile d’ambiguïté qui laisse place à l’invisible, au non-dit. Cette tension entre réalité et mystère, entre clarté et opacité, émerge à chaque coup de pinceau.
Descriptions du quotidien
Dans ses descriptions du quotidien, Michiel Sweerts évite la représentation scénographique d’une Italie pittoresque, qui devient le cliché du tourisme à venir. L’artiste scrute le monde des marginaux par le chemin d’un réalisme quotidien, loin des contrastes excessifs du Caravage. Dans l’exposition il y a plus d’une toile avec des prostituées et des buveurs. Les œuvres de Sweerts invitent le visiteur à réfléchir sur le dualisme qui caractérise son style : scènes de la vie quotidienne, portraits de jeunes apprentis, d’hommes au travail, mais aussi moments de contemplation spirituelle, des figures enveloppées d’une lumière qui semble venir de l’intérieur. Ce contraste est amplifié par l’installation, qui utilise la lumière naturelle filtrée par les grandes fenêtres du Palazzo Carpegna pour créer une atmosphère d’introspection.
Michiel Sweerts et le milieu romain
Le choix d’accueillir l’exposition à l’Académie Nationale de Saint Luc, une institution vieille de plusieurs siècles qui a joué un rôle fondamental dans la formation et la promotion des artistes, n’est pas accidentel. Il vise à souligner le lien profond entre la recherche artistique de Michiel Sweerts et le milieu romain dans lequel il a travaillé. les années où Sweerts y travaillait et a influencé à son tour le Bruxellois Jodocus van de Hamme. L’un des aspects interessant de l’exposition c’est de pouvoir observer de près les travaux de restauration et les récentes découvertes d’archives.
La dignité du quotidien
Ses œuvres démontrent une capacité unique à capturer la dignité de la vie quotidienne, avec une sensibilité qui défie les conventions de l’époque et anticipe une vision plus intime et personnelle de la réalité. L’exposition, installée dans les salles historiques du Palazzo Carpegna, se développe comme un voyage de découverte et de réflexion sur la dualité de la réalité et du mystère, thèmes centraux dans l’œuvre de Sweerts. C’était un aristocrate qui ne suivait pas les courants artistiques de son temps, grâce à une indépendance économique et intellectuelle qui le libérait des caprices de ses clients.
Notes
- Jusqu’au 18 janvier 2025
- Du mardi au vendredi, de 15h à 19h, dernière entrée à 18h30. Samedi de 10h00 à 19h00, dernière entrée à 18h30. Ouvertures extraordinaires 22 décembre et 29 décembre 2024 de 10h00 à 19h00, dernière entrée à 18h30. Fermé dimanche, lundi et les 24, 25, 26 décembre 2024 et 1er janvier 2025
- Au palais Carpegna, l’académie de saint Luc
- Entrée gratuite