Aller au contenu

discobole de Myron

  • par

Polémique entre Italie et Allemagne

Au début du mois de décembre 2023, la polémique éclate entre l’Italie et l’Allemagne autour d’une statue antique, une copie romaine du célèbre discobole de Myron, la copie Lancellotti. Cette magnifique sculpture qui appartenait à la famille des princes Lancellotti, « fut vendue » à l’Allemagne nazi car elle plaisait beaucoup a Adolf Hitler. Rendue à l’Italie après la guerre, la copie du discobole de Myron, la copie Lancellotti siège aujourd’hui au Musée National Romain de Rome. Et bien, le directeur du Musée National Romain a demandé au directeur du musée de Munich, où la statue se trouvait pendant la guerre, de rendre aussi le support du XVIIIe siècle sur lequel était posée la sculpture. Et c’est alors que le directeur du musée allemand a prétendu la restitution du fameux discobole, parce que selon lui, l’Allemagne l’avait acheté et non volé. La réaction du ministre italien des biens culturels a été nette : « Ils devront passer sur mon cadavre »

le Discobole de Myron

Le Discobole de Myron

Le discobole Lancellotti est une copie romaine en marbre du IIe siècle après JC. du célèbre bronze de Myron, qui lui par contre datait du Ve siècle avant JC. Découverte sur la colline de l’Esquilin en 1781, la la copie romaine a été vendue à l’Allemagne nazie en 1938. L’œuvre était très appréciée par Hitler car elle incarnait l’idéal aryen. En Allemagne la statue était hébergée à la Glyptothèque de Munich. Mais en 1948 elle revient définitivement en Italie. Nous devons le retour de nombreux chefs d’œuvre sur le sol italien au travail incessant de Rodolfo Siviero, un agent secret et futur ministre. Cependant, le piédestal du XVIIIe siècle est resté en Allemagne et c’est précisément à partir de la demande de retour de ce dernier qu’a commencé le « malentendu » sur l’avenir de la copie du Discobole de Myron. Enfin, pour finir, l’Allemagne a clairement indiqué à travers son ambassadeur, de ne pas vouloir que la copie du discobole de Myron soit ramené à Munich.

Le Discobole, un symbole

Peu de gens savent que cette magnifique sculpture, dans les années 1930, était devenue l’un des principaux symboles de la propagande nazie. En 1936 à l’occasion des Jeux olympiques de Berlin, le Comité olympique avait commandé la réalisation d’un film pour documenter l’événement. C’était le célèbre Olympia de Leni Riefenstahl. Nazie de la première heure et fascinée par l’Antiquité, Leni Riefenstahl avait inclus dans son film un prologue se déroulant au milieu des ruines de l’Acropole d’Athènes. Au milieu des ruines de l’Acropole, entre effets de fondus et superpositions d’images, apparaissent des sculptures de l’art classique, dont le Discobole. La puissance des images atteint son apogée quand la rigidité du marbre du Discobole fond et se transforme dans le corps sculptural de l’athlète allemand Erwin Huber. Le film avait été présenté le 20 avril 1938, jour de l’anniversaire d’Hitler, et suscita un grand intérêt chez le Führer.

le discobole de Myron

Où a-t-on trouvé le discobole

Le Discobole, pour les nazis, incarnait les qualités de l’idéal « aryen » et en 1937 Adolf Hitler avait déjà envoyé une commission spéciale à Rome pour l’achat de diverses œuvres d’art. Parmi les œuvres à ramener en Allemagne, le Discobole de Myron était en tête de liste. Mussolini avait servi d’intermédiaire, forçant la main malgré la ferme opposition du ministre de l’Éducation Giuseppe Bottai. L’achat du Discobole eut lieu le 18 mai 1938 au prix de quelques millions de lires en espèces. La statue fut découverte à Rome le 14 mars 1781, dans les jardins de la villa Palombara sur la colline de l’Esquilin. La sculpture fut trouvée lors d’une fouille voulue par la marquise Barbara Savelli Palombara, propriétaire de la Villa. Il faut dire que la zone à l’époque antique était occupée par les Horti Lamiani, les jardins de Lucio Elio Lamia, un membre d’un important groupe famille proche de la famille impériale.

Rodolfo Siviero

La statue, payée quelques millions de lires, fut offerte par Hitler au musée de Munich, un cadeau au peuple allemand. Elle y resta jusqu’au 16 novembre 1948, date à laquelle le ministre plénipotentiaire Rodolfo Siviero réussit à l’inclure dans la longue liste des œuvres d’art transportées illégalement vers l’Allemagne nazie et qui reviendront en Italie. Rodolfo Siviero, historien de l’art, espion, ministre, partisan, était le chasseur d’œuvres d’art le plus expert d’Italie. C’était un homme d’un talent extraordinaire, responsable de la récupération de centaines de chefs-d’œuvre pillés par les nazis en Italie de 1938 à 1945 mais dispersés ou volés dans l’après-guerre. Rodolfo Siviero va se dédier à cette mission jusqu’à sa mort en 1983. Il a eu une existence menée au nom du secret. Son hostilité envers toute affiliation politique lui a valu peu de sympathie de la part du monde politique de son temps.

L’acquisition « légale »

Alors que le directeur du musée du palais Massimo demandait la restitution de la base du XVIIIe siècle qui avait accompagné le discobole de Myron en Allemagne, dans sa réponse, Florian S. Knauß, directeur du musée de Munich non seulement nie le retour du socle en marbre, mais écrit. « Je ne suis pas en mesure d’abandonner notre demande légale pour le retour du discobole dans notre musée. La sculpture a été achetée légalement par l’État allemand après avoir été offerte au Metropolitan Museum de New York. Les institutions italiennes au pouvoir à l’époque étaient d’accord avec l’exportation. Ce n’était même pas un cadeau à Adolf Hitler. Le rapatriement vers l’Italie a violé la loi, selon l’avis juridique de l’État bavarois et de notre musée« . Donc pas de retour de la base mais une demande formelle pour que le discobole Lancellotti retourne en Allemagne.  

Les chefs d’oeuvres italiens pendant la guerre

Comme le montre la récente exposition « L’arte liberata 1937/1947 » qui s’est tenue aux Scuderie del Quirinale, Hitler, Göring et d’autres hiérarques nazis ont volé à l’Italie ou acheté pour une misère de splendides chefs-d’œuvre. Göring avait la Danaé du Titien dans sa chambre à couché et le Faon en bronze trouvé lors des fouilles d’Herculanum dans son jardin. Hermann Göring avait compilé une longue liste de chefs d’oeuvre italiens qui devaient prendre le chemin de l’Allemagne nazi. En cela il était aidé par l’antiquaire florentin Eugenio Ventura, qui pour quelques deniers n’avait pas hésité à vendre le patrimoine italien. Juste après la guerre, le commandement de la Compagnie des carabiniers de Florence, ordonna l’arrestation de l’antiquaire florentin Eugenio Ventura. Entre temps, ce dernier, avait dû révéler la cachette, où il tenait d’autres tableaux volés. Donc, la demande de restitution du Discobole ouvre un chapitre risqué. Parler d’une vente régulière à Hitler c’est nier l’une des pages les plus sombres – le vol d’œuvres d’art – de la tragique relation entre fascisme et nazisme.

Myron un grand sculpteur

L’original en bronze du discobole, s’est perdu dans la nuit des temps, il nous reste des copies d’époque romaine. Du sculpteur on sait d’ailleurs très peu. Myron né vers 500 avant JC. à Eleuthère, dans la région grecque de Béotie, était actif à Athènes sans la moitié du Ve siècle avant JC. Nous savons qu’il travaillait le bronze. Certains érudits supposent qu’il fut l’élève d’Agelada, le grand maître du classicisme primitif et auteur probable de l’un des bronzes de Riace. Agelada. Il est alors actif principalement à Athènes, entre 460 et 440 avant JC., date présumée de son décès. De ses œuvres, qui selon les sources représentaient différents sujets tels que des divinités, des héros, des athlètes et des animaux, aucun original ne nous est parvenu. Cependant, l’écrivain grec Lucien de Samosate (IIe siècle après J.-C.) a laissé des descriptions détaillées des sculptures les plus célèbres de Myron, ce qui a permis d’identifier, parmi les copies romaines, certains des chefs-d’œuvre de l’artiste, dont le Discobole.

A propos de la sculpture

Si l’anatomie d’un vrai discobole a été soigneusement observée et reproduite fidèlement, « le mouvement » de la sculpture n’est pas tout à fait exact. D’ailleurs, bien que la statue soit en ronde-bosse, c’est sa vue frontale qui prédomine. La pose du discobole de Myron semble naturelle au point que la sculpture a été considérée comme l’une des représentations les plus vivantes du mouvement. Mais il semblerait que dans les faits, aucun discobole humain pourrait lancer efficacement son disque dans cette pose. Un examen plus attentif de l’œuvre suggère que Myron voulait uniquement exprimer l’idée de mouvement. Autrement dit, l’artiste a choisi de modifier la « vérité » rigoureuse du geste athlétique pour obtenir une « image » plus noble et plus belle de ce geste.   

Notes

  • Le discobole Lancellotti, copie du discobole de Myron, se trouve au Musée National Romain
  • Visite guidée possible tous les jours sauf le lundi
  • Pour réserver vos visites écrivez à arterome2@gmail.com ou téléphonez au +393479541221