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Saint Étienne le Rond

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Une église cachée

La basilique Saint-Étienne-le-Rond, à Rome, porte ce nom en raison de sa forme circulaire. C’est d’ailleurs la première église de Rome à avoir eu cette forme ronde. Elle s’élève sur le mont Celio, la plus grande et la plus irrégulière des sept collines. Elle domine la vallée de l’amphithéâtre Flavien. La colline s’appelait à l’origine Querquetulanus, car elle était recouverte d’une épaisse forêt de chênes. Dans l’antiquité, cette plante était un arbre sacré. Pendant la période impériale, le Celius constituait la troisième région. L’empereur Auguste avait, pour mieux administrer Rome, divisé la ville en quatorze regio ou quartiers. Dès la période républicaine, le quartier était essentiellement urbain. D’abord peuplée de maisons populaires mais très vite remplacées par des domus de luxe comme celle de Mamurra, un préfet, dont Pline l’Ancien la décrit comme la première à avoir des murs et les colonnes recouverts en marbre. Au Moyen Âge et à la Renaissance, la colline se vide et finit par avoir un aspect bucolique jusqu’à la fin du XIXe siècle. Quand Rome devient Capitale de l’Italie, la colline s’urbanise. La construction de routes et de maisons a entraîné un bouleversement total du quartier, avec la destruction de la Villa Casali et des nombreux vignobles. C’est dans ce quartier au pied de la colline que se trouve un des symboles de Rome, le Colisée. Le Celius était traversé par une bretelle de l’aqueduc d’Appio Claudio dont on peut voir encore les ruines à côté de l’église de Saint Étienne le Rond

Le quartier antique

Dans ce quartier, dans l’antiquité, le culte d’Isis a longtemps été pratiqué, au point que le quartier portait le nom de la déesse. Il y avait là le premier temple dédié à Isis. Il s’agit de l’Isium Metellinum, le plus ancien et le plus important temple, d’abord privé et puis public, bâti par  Metellus, l’antagoniste de Pompée. L’Isium Metellinum était un édifice immense et imposant dont la structure était entourée de terrasses et de jardins qui descendaient la colline, le tout agrémenté par de nombreuses fontaines. Mais le Celus était aussi caractérisé par de nombreuses casernes dont celle des Castra Peregrina. C’était la caserne des troupes provinciales détachées à Rome, fouillée et pillée comme toute la Rome antique au temps des papes, surtout à la Renaissance. Même si on est pas certain à cent pour cent de la présence d’une caserne réservée aux milices des provinces, l’église de Saint Etienne le rond est construite sur les ruines d’un édifice militaire antique. La structure s’étendait bien au-delà de l’actuelle église. La caserne de Castra Peregrini pouvait accueillir environ quatre cents hommes. Parmi eux il y avait des frumentarii. C’étaient des soldats chargés d’acheter les vivres pour l’armée. Ils assuraient le ravitaillement des légions. Ils avaient leur quartier général dans la castra peregrina. Il reste encore dans le sous-sol de l’église d’importants restes dont un temple dédié à Mithra.  

Le christianisme triomphe

En 312 après JC, avec Constantin le christianisme triomphe. Il fait démanteler les casernes des prétoriens, la garde impériale. Ces soldats avaient combattu contre lui. Près d’un siècle plus tard, saint Augustin propage le culte de saint Étienne. Entre temps les barbares sont aux portes de Rome. C’est dans cette période sombre et turbulente que le Pape Simplicio, originaire de la petite ville de Tivoli, fait construire probablement vers 470, l’église de Saint Etienne le Rond. Elle s’élève au-dessus du mithraeum du Castra Peregrini, un temple dédié au dieu Mithra. Si les premières églises chrétiennes ont plutôt la forme rectangulaire des basiliques païennes, les édifices circulaires sont généralement conçus pour des mausolées, des baptistères. Les deux seules exceptions sont San Lorenzo à Milan et Santo Stefano Rotondo à Rome, mais, à propos des formes. Le cercle est le symbole de la perfection, il n’a ni début ni fin ni direction. Le cercle est le symbole du ciel, comme le carré est celui de la terre. Le cercle est associé à dieu en ajoutant les rayons il tourne comme le soleil. Le cercle inscrit dans un carré indique la tentative de l’homme pour s’élever de la terre, carré, au ciel, rond. La symbolique, liée au cercle, se perd dans la nuit des temps et se retrouve dans toutes les cultures. Se placer dans une structure ronde, se tourner vers son centre, correspond au retour aux temps primordiaux où on était assis en cercle autour du feu, le feu que Prométhé avait volé aux dieux. Cette église donne l’impression par sa forme et le silence qui y règne, d’être un espace sans temps.   

Le pape Simplicius

Saint Simplicius, natif de Tivoli, est pape de 468 à 483 après Jésus-Christ. C’est une des périodes les plus troubles de l’occident, L’empire romain était en train de s’écrouler. Les barbares étaient partout, ils pillaient et détruisaient. Le dernier empereur d’occident avait abdiqué. Les hérésies étaient nombreuses. Parmi les plus importantes on comptait l’hérésie arienne, le gnosticisme, l’hérésie monophysite. L’hérésie arienne soutenait que Jésus fils de dieu ayant été créé par le père, lui était subordonné. Le gnosticisme affirmait que seuls des initiés avaient accès à des connaissances supérieures des choses divines. L’hérésie monophysite révélait que seule la nature divine survivait en Christ rejetant son côté humain. Le pape Simplicius prend position contre l’hérésie monophysite. En honneur de la « véritable doctrine chrétienne », il fait restaurer de nombreuses églises et construire Saint Etienne le Rond et Sainte Bibiana. Dans son idée il fallait que le christianisme, la nouvelle religion en forte expansion, devait tout occuper et être visible de partout surtout à côté des espaces précédemment utilisés par les religions en voie de disparition. Et c’est ainsi que Saint Étienne le Rond bâtie sur les ruines d’un temple à Mithra a été édifiée à l’endroit où dans un temps lointain se trouvait un bois sacré et où le 1er siècle s’élevait le plus grand temps dédié à Isis.

Saint Etienne

Saint Étienne est lapidé à Jérusalem le 26 décembre de l’an 31 après Jésus-Christ à l’instigation du Sanhédrin, accusé d’avoir blasphémé contre Dieu et contre Moïse. Le Sanhédrin était un organisme juridictionnel et politique, en fonction sous l’occupation romaine de la Palestine. Saint Étienne est le premier des sept diacres choisis par les apôtres et il est le premier à subir le martyre pour soutenir sa foi en Christ. En sa mémoire, de nombreuses églises lui sont dédiées, dont Saint Étienne le Rond à Rome. Etienne en grec veut « couronné ». Il est le saint patron des diacres. Il est invoqué contre le «  »mal de la pierre », c’est-à-dire les calculs. Il est le saint patron des tailleurs de pierre et des maçons. Probablement saint Etienne était un Juif éduqué dans la culture hellénistique. Il ne se limita pas à un travail administratif mais il était très actif dans la prédication, surtout parmi les Juifs de la diaspora, qui passaient par Jérusalem. Il les convertissait à la foi en Jésus. Vers 33 ou 34, les juifs ortodoxes voyant le grand nombre de convertis, l’accusèrent de « proférer des propos blasphématoires contre Dieu ». Saint Etienne fut jugé devant le Sanhédrin et avec de faux témoins. Et c’est lors de son procès, alors qu’aucune sentence n’avait été prononcée, que le peuple en rage, l’avait traîné dehors du tribunal et l’avait tué à cop de pierre. C’était un lynchage.

A l’interieur

Le bâtiment que nous voyons aujourd’hui ne correspond pas à l’édifice qui aurait dû être, l’église a été modifiée. Elle était plus grande et formée de trois cercles concentriques. Actuellement l’intérieur se compose d’un anneau formé de vingt-deux colonnes de marbre de granite gris et rose. Au centre se trouve l’autel principal. À l’origine, il y avait un troisième déambulatoire concentrique avec une division interne cruciforme qui a été démantelé lors des restaurations du XVe siècle. L’autel central remonte à 1580. L’autel est entouré d’une enceinte octogonale en stuc décorée par Antonio Tempesta. Les scènes représentées sont les Histoires de saint Étienne », le « Massacre des Innocents » et « Notre-Dame des Sept Douleurs ». Sur le mur circulaire, dès 1582, Nicola Circignani dit Pomarancio, avec la collaboration de Matteo da Siena ont représenté 34 scènes horribles du martyre d’innombrables saints. Ces scènes cruelles avaient pour but de mettre en garde les jeunes prêtres des dangers qu’ils couraient en allant convertir les peuples lointains. Mais ces scènes servaient aussi à augmenter le pathos auprès des pèlerins qui passaient par ici alors qu’ils se rendaient aux catacombes, les anciens cimetières chrétiens. Lors des travaux de restauration entamés au milieu des années 1990, les vestiges de la « Castra Peregrinorum » ont été mis au jour dans le sous-sol de l’église. On a découvert un mithrum composé d’une salle rectangulaire bordée de deux podiums et d’une niche avec la représentation en relief en stuc doré de la « tauroctonie ». 

Saint Primo et Feliciano

Dans la petite abside de la chapelle dédiée aux Saints Primo et Feliciano, une des deux chapelles latérales, il y a une belle mosaïque du VIe siècle représentant une croix, Christ, entre San Primo et San Feliciano. Les deux saints vêtus comme des sénateurs antiques sont en pose sur un fond d’or les pieds plantés sur un pré vert fleuri. Au centre se dresse une grande croix décorée et ornée de petites fleurs et de pierres précieuses surmontée d’un Christ bienfaisant, une croix vide qui symbolise le Christ ressuscité. Primo et Feliciano étaient deux frères, des patriciens romains plus très jeunes, l’un avait quatre-vingt ans. Ils avaient dédié leur vie en œuvre de charité entre autres en prêtant assistance aux chrétiens emprisonnés pour leur foi. Malgré les répressions pendant des années, ils ont réussi à échapper aux persécutions. Mais vers 297, sous les empereurs Dioclétien et Maximien, ils sont arrêtés, ils refusent de faire des sacrifices aux dieux et ils sont tués. On les a décapités, d’autres chrétiens les ont enterrés. Les corps reposaient le long de la Via Nomentana et une église a ensuite été érigée à cet endroit. Au VIIe siècle sous le pontificat de Théodore les reliques ont été transférées dans l’église de Saint Etienne le rond sur la colline du Caelius. La mosaïque, que l’on voit, est placée dans la chapelle à eux dédiés.

L’église de Saint Étienne le Rond

L’église de saint Etienne le Rond est pleine de symboles. Elle a la forme d’un cercle de 144 coudées (1 coudée, mesure romaine, équivaut à 0,462 mètre). Sa hauteur, au centre, aurait dû être de 144 coudées. L’église aurait eu un diamètre et une hauteur de la même dimension, on aurait pu inscrire une sphère de 144 coudées. 144 n’est pas un nombre quelconque, c’est 12 fois 12. Et 144, c’est la valeur numérique du mot Sainte Jérusalem dans l’alphabet grec. Douze sont les Apôtres et douze sont les tribus d’Israël. Si elle n’avait pas en partie été démolie au XVIe siècle, l’église aurait dû être formée de trois cercles concentriques. La pièce centrale avait un diamètre de 48 coudées, quatre fois 12 4 le chiffre qui correspond à l’humain, quatre les éléments, quatre les évangiles. 22 colonnes séparaient la pièce centrale du deuxième cercle qui à son tour était à 24 coudées du troisième cercle formé par 8 grands piliers de support et 36 colonnes, 8 le chiffre qui correspond à la résurrection. Et pour finir le mur externe de l’église était à une distance de 24 coudées. La lumière entrait par 36 fenêtres et 22 fenêtres éclairaient la pièce centrale. Douze marches conduisaient aux huit portes extérieures qui s’ouvraient sur quatre pièces, disposées en croix. La chapelle de saint Primo et Feliciano s’est installée dans un des bras restants des quatre de la croix grecque

Les chiffres de saint Etienne le Rond

Si le nombre 144, faisant référence aux dimensions extrêmes du temple, possède ces valeurs symboliques que nous avons brièvement évoquées plus haut, ces derniers chiffres sont également chargés de sens. Les 12 marches menant au temple sont les 12 apôtres qui soutiennent l’Église ; le chiffre 8 répété deux fois (les portails extérieurs et les piliers porteurs) représente le mystère de la Résurrection qui eut lieu précisément le huitième jour ; huit est donc le symbole de la nouvelle ère du monde ; ce n’est pas un hasard si les fonts baptismaux dans lesquels on accède à la nouvelle vie spirituelle sont très souvent de forme octogonale. De plus, huit sont les arêtes qui soutiennent et délimitent la croix, symbole même du royaume du Christ, une croix qui est tracée deux fois à l’intérieur de l’octogone et qui s’oriente selon l’axe nord-sud. Les 22 colonnes qui délimitent le centre du temple du deuxième cylindre et qui reçoivent la lumière de 22 fenêtres peuvent être lues comme une référence aux 22 lettres qui composent l’alphabet hébraïque, en particulier à la première et à la dernière : « je, je suis l’« alpha et l’oméga » est dit plusieurs fois dans les Écritures. Le nombre 36, se référant aux colonnes du deuxième cylindre et aux fenêtres extérieures, peut être interprété comme 3 fois douze, c’est-à-dire trinité, perfection (omne trinum perfectum) fois douze, nombre des Apôtres, nombre des tribus d’Israël, un nombre parfait vénéré depuis l’antiquité (nombre d’étoiles du zodiaque, fondement de l’ancien système babylonien) ; mais 36 est aussi avant tout attribuable au chiffre huit. En fait, l’ogdoad, la somme de un plus deux, plus trois, jusqu’au nombre huit donne trente-six, et nous avons déjà vu comment huit est le nombre le plus représentatif reproduit dans cette église.

Conclusion

Aujourd’hui, l’église de saint Etienne le Rond est peu fréquentée. Les quelques visiteurs passent indifférents devant ces murs anciens sans se douter des signes et des symboles qu’ils cachent. Les restaurations se poursuivent minutieusement et lentement mettant à jour les couleurs des peintures mais pas les messages cachés. Il semble presque que les paroles de saint Jean prennent forme ici. « Nous ne sommes plus capables de lire, d’écouter la parole divine, de mesurer avec des nombres sacrés, de voir ce qui nous a été transmis avec la pierre ». Cette église, qui a ses fondations sur des terres qui ont connu d’autres cultes et honoré d’autres divinités, bien que physiquement réelle semble intemporelle et sans espace. Le message caché avertit de l’arrivée imminente de l’heure du jugement. Seuls ceux qui savent lire les signes, les Élus, pourront échapper à la condamnation éternelle. Le Jugement dernier sera accompagné de la résurrection des corps et de la descente du ciel de la Jérusalem Céleste, comprise comme la récupération de ce Paradis Terrestre perdu. Saint Étienne savait lire ces signes cachés et les interprétait dans la bonne direction. Je vous invite à vous émerveiller des messages que les anciens ont su tracer en transformant la pierre brute en pierre polie. Combien de ces messages sont encore devant nos yeux ? Et combien d’entre nous sont-ils capables de saisir même en partie leur sens profond ?

Notes

  • La visite est possible tous les jours sauf le lundi et pendant les messes, fermée pendant midi
  • Aucune entrée est prévue
  • Pour réserver la visite écrivez à arterome2@gmail.com ou téléphonez au +393479541221