Qu’est-ce la Farnesina
La Farnesina, aujourd’hui propriété de l’Accademia Nazionale dei Lincei, est l’une des créations les plus radieuses de la Renaissance italienne. C’est une villa dans laquelle architecture et peinture se confondent en toute harmonie. Construite au début du XVIe siècle à la demande d’Agostino Chigi, conçue par l’architecte et peintre Baldassarre Peruzzi, peinte par Raphaël et ses collaborateurs, malgré les nombreux changements de propriétaires, le temps a su l’épargner des événements tumultueux. La villa porte le nom de la famille Farnese qui s’en empare en 1579 en violation du lien héréditaire imposé par le premier propriétaire. Elle aurait dû s’appeler la villa Agostino Chigi du nom du banquier qui la fit bâtir comme signe tangible de son immense fortune. Amant des beaux-arts, du luxe et du bon vivre, Agostino a fait appelle aux plus grands artistes du moment. Agostino Chigi choisit pour sa villa, le quartier du Trastevere, pas loin du Vatican, alors un coin tranquille loin des bruits de sa résidence citadine à via dei Banchi. On l’appelait « le magnifique », patron des artistes, l’ami des princes et cardinaux. Dans cette villa, édifiée de 1505 à 1520, il a vécu la période la plus belle de sa vie de mécène au milieu de ses richesses et du bonheur.
Agostino Chigi
Il est né en 1466 à Sienne descendant d’une famille de marchands, très vite il passe au secteur bancaire. Formé par son père, il quitte Sienne avec son frère et il ouvre à vingt ans à Rome, sa première agence. Mais la vraie richesse arrive quand l’église lui accorde le droit d’exploiter les mines d’alun de Tolfa, près de Rome. Il avait le monopole. Alors, l’alun était un élément essentiel pour la coloration des tissus. Au début de son séjour romain, Agostino Chigi vit dans une maison à via dei Banchi avec sa jeune épouse Margherita Saracini, morte en 1508 sans lui donner d’enfants. Puis, il se lie à Imperia, une célèbre courtisane, belle et cultivée qui lui donne une fille, Lucrezia. Mais, en 1511, il commence à courtiser Margherita Gonzaga, fille naturelle de Francesco Gonzaga, marquis de Mantoue. En 1511, alors qu’il est à Venise pour récupérer de l’argent, il fait enlever une jeune orpheline Francesca Ordeaschi, qu’il ramène à Rome, qu’il cache dans un couvent. En 1519, lors du jour de la Saint Augustin, il la marie. Peut-être prévoyant sa fin imminente et pour régulariser sa position il épouse Francesca avec une cérémonie solennelle et il dicte ses dernières volontés.
Les Farnese à la Farnesina
En 1579, après des années d’abandon le cardinal Alexandre Farnese le jeune, petit-fils du pape Paul III s’en empare. Elle est héritée par le cardinal Odoardo Farnese le neveu du cardinal Alexandre Farnese le jeune. Suivent des années d’abandon, de location à des hôtes importants comme Richelieu, la reine, Christine de Suède et des ambassadeurs de Louis XIV. En 1735, à l’occasion du mariage d’Elisabetta Farnese, la villa passe à Charles IV, roi des Deux Siciles. Alors, la Farnesina devient la résidence de plusieurs diplomates napolitains. En 1861, avec l’Unité de l’Italie et la naissance du nouvel Etat, Francesco II, roi de Naples, vient vivre à Rome après son abdication. Il laisse la Farnesina pendant 99 ans à l’ambassadeur d’Espagne à Naples, Salvador Bermudez de Castro, duc de Ripalta. En 1927, finalement, l’État italien la rachète pour en faire le siège de l’Académie italienne. C’est en 1944 que l’Accademia Nazionale dei Lincei, s’y installe. Outre à l’édifice, la propriété comptait des écuries, conçu par Raphaël, démoli en 1808, une loggia au bord du fleuve et de nombreux jardins qui entouraient la villa et donnaient à l’ensemble l’aspect d’un magnifique Viridarium. Les jardins chantés par les poètes de l’époque ont été détruits lors de la construction des berges du Tibre.
La construction de la Farnesina
En mai 1505, alors qu’il finalise l’achat du terrain de la Porta Settimiana, entre via della Lungara et le Tibre, Agostino Chigi embauche pour la construction Baldassarre Peruzzi, peintre, architecte et scénographe un artiste originaire de Sienne comme lui. Pour la pose de la première pierre, le banquier a voulu attendre un jour propice béni par les étoiles, le 22 Avril 1506. Deux ans après le début des travaux, la construction ayant bien progressé, Agostino confie la décoration de la Salle de la Frise à Baldassare Peruzzi lui-même. Dès l’été 1511, après avoir déménagé, il peut déjà montrer au pape Jules II, son grand ami, sa nouvelle résidence dans toute sa splendeur, autrement dit cinq ans après le début des travaux. Au tout début l’entrée à la Farnesina se faisait par la loggia d’Amour et Psyché. Passé sous les pergolas du jardin on finissait sous celles peintes dans la loggia D’amour et Psyché. La loggia, alors ouverte, avait été pensée comme un prolongement du jardin. L’aménagement actuel du bâtiment est le résultat d’une série d’interventions ultérieures réalisées déjà vers 1518 alors que Agostino Chigi était encore vivant. La plus importante était l’agrandissement de la salle du premier étage, mieux connue sous le nom de Salon des Perspectives.
Les peintures à la Farnesina
Terminé le premier étage, Baldassarre Peruzzi commence la fresque de la salle de la Frise, la salle d’attente. Au début de 1509, Baldassare Peruzzi se voit également confier la décoration de l’extérieur de la Villa. Malheureusement les fresques ont disparu, on a les dessins. En 1511, Agostino Chigi revient de Venise avec sa future femme et le peintre Sebastiano Del Piombo. Il s’installe dans la villa et emploie Sebastiano Del Piombo aux côtés de Baldassare Peruzzi qui travaille dans la salle de Galatée. Sebastiano del Piombo peint, dans cette même pièce, la grande figure de Polyphème, des scènes tirées des Métamorphoses d’Ovide. Juste après arrive Raphaël et son équipe. En 2017, des études précises ont été menées en utilisant une technique qui permet de cartographier la répartition des éléments chimiques présents sans causer de dommages aux fresques. Et c’est ainsi, entre autres, qu’on a découvert que Raphaël, dans la peinture de Galatée, a utilisé le « Bleu égyptien ». Le bleu égyptien est une couleur artificielle, inventée en Égypte il y a cinq mille ans, dont on avait perdu la formule. Dans sa volonté d’imiter l’Antique, Raphael ira jusqu’à lire le traité De architectura de Vitruve. Un autre exemple, le rouge pompéien, obtenu avec du cinabre n’était habituellement pas utilisé sur le plâtre car il risquait de virer au gris. Raphaël l’a donc étalé sur un pigment rouge à base de fer, afin de conserver ses caractéristiques chromatiques. Bref, il a peint des sujets mythologiques et donc anciens, avec les mêmes techniques des anciens.
La Loggia de Galatée
La Loggia di Galatea est aujourd’hui la première pièce que le visiteur rencontre sur son parcours. La salle tire son nom de la fresque de la nymphe Galatée peint par Raphaël. La jolie nymphe a les traits délicats et le corps sensuel de la belle Imperia, courtisane honnête, alors compagne d’Agostino Chigi. Au début, la Loggia de Galatée, à la place des fenêtres, avait des arcades qui s’ouvraient sur le jardin. Elles ont été fermées en 1650. La loggia a été décorée par trois grands artistes. Le premier est Baldassarre Peruzzi, il travaille dès 1511 sur la voûte. Il peint la carte astrale du banquier Agostino Chigi. Au cours de l’hiver 1512, Sebastiano del Piombo, jeune talent vénitien, peint les neuf lunettes avec diverses scènes tirées des Métamorphoses d’Ovide. La dixième, la tête géante, est de Peruzzi même si certains l’attribuent à Michel-Ange. Sebastiano del Piombo a ensuite réalisé à fresque une grande figure de Polyphemus sur le mur. Il était nu puis par pudeur on l’a couvert d’une robe bleue. Raphaël, en référence à la même légende, décore la parois de la gracieuse de Galatée qui s’éloigne sur un char fantastique tiré par des dauphins. Autour d’elle, plus tard, au XVIIe siècle, Gaspard Dughet, beau frère de Nicolas Poussin nous a laissé des paysages.
Le plafond de la Loggia de Galatée
La voûte et la succession des triangles et des hexagones qui entourent les peintures du plafond sont de Baldassarre Peruzzi. Juste en dessous courent les lunettes avec des thèmes liés aux passions humaines de Sebastiano del Piombo. Partant plafond, au centre, la première scène rectangulaire raconte le mythe de Persée qui tue Méduse puis libère Andromède dont la constellation tire son nom. La scène à coté est le mythe de Callisto, une nymphe, aimée de Zeus, transformée en la constellation de la Grande Ourse. Autour s’alternent des triangles, voiles, et des hexagones. Les différents épisodes sont tous tirés de la mythologie. Ils sont disposés de manière à donner le jour, la date et l’heure de la naissance du propriétaire de la villa. Dans les hexagones sont représentés, à travers les mythes, les signes du Zodiac, tandis que dans les triangles sont représentés les constellations qui figurent dans le signe le jour de la naissance du banquier. Sans trop compliquer l’explication, dans le premier hexagone on voit le dieu Apollon à coté d’un centaure, c’est le signe du sagittaire. Dans le deuxième hexagone sont représentés deux signes, le scorpion et la balance à coté des dieux Mars et Mercure. Dans le troisième hexagone Diane la déesse de la chasse pour le signe de la vierge. Dans le quatrième hexagone Hercules et le lion Némmé … donc le 29 novembre 1466 à 21 heures 30.
Polyphème et Galatée
Polyphème et Galatée sont les deux fresques que l’on voit à côté de la porte d’entrée, traitées sur deux panneaux différents. Polyphème peint par Sebastiano del Piombo a une belle robe bleue, Galatée entourée de personnages marins est de Raphael. En 1508 Margherita Saraceni, première épouse d’Agostino, meurt. Deux ans plus tard, le banquier, à peine ennobli (à l’origine, Agostino Chigi n’est pas noble, il est issu d’une famille de marchands) rencontre Margherita Gonzaga, fille du marquis de Mantoue Francesco II et il la courtise. Pour Margherita, Agostino, malgré son immense richesse, n’est pas à sa hauteur et le mariage n’aura jamais lieu. Comme pour Polyphème, Agostino vivra cet amour non partagé. On voit déjà, dans son Polyphème, l’influence de Michel-Ange sur l’artiste vénitien. D’ailleurs il deviendra son grand ami. En ce qui concerne la Galatée de Raphaël elle est traitée de manière très classique, comme si la fresque avait été trouvée sur le mur d’une habitation antique. Ainsi, Galatée conduit un char en forme de coquillage tiré par un couple de dauphins à l’aspect très antique, comme le triton soufflant dans sa coquille.
La loggia d’Amour et Psyché
La pièce suivante est la très belle Loggia d’Amour et Psyché. Elle tient son nom de la fresque qui décore la voûte réalisée par Raphaël et ses collaborateurs. Il y a là encore, comme pour Polyphème et Galatée, un parallèle entre mythe et l’histoire sentimentale d’Agostino Chigi. Le banquier, riche comme Crésus, épouse une jeune fille, Francesca Ordeaschi aux origines modestes. L’achèvement des fresques coïncide avec le mariage d’Agostino et de Francesca célébré le 28 août 1519. Un mariage qui a été célébré par le pape Léon X. En fait, le 1er janvier 1519, Leonardo Sellaio, ami de Michel-Ange, écrivait à l’artiste que l’achèvement des fresques était une question de jours. Michel-Ange et Raphaël se surveillaient. Composée de cinq arcades, actuellement fermées par des vitres, la Loggia donnait directement sur les jardins comme dans une sorte de continuation et c’était alors l’entrée principale. La loggia servait de décor de fond aux fêtes et aux représentations théâtrales organisées par le propriétaire. Raphaël transforme la voûte de la loggia d’entrée en pergola, comme si les pergolas des jardins s’étaient installés à l’intérieur de la Villa. Au centre se trouvent deux fausses tapisseries : le Convito degli Dei et le Mariage d’Amour et Psyché. L’histoire est tirée des Métamorphoses où de l’Âne d’or d’Apulée, écrivain latin du II DC. Dans ce récit, une vieille dame raconte à Lucio, le protagoniste du livre, l’histoire de deux amoureux. l’histoire d’Amour et Psyché et c’est le seul récit antique que nous avons de ce mythe.
Le mythe d’Amour et Psyché
L’histoire est racontée dans les Métamorphoses ou l’âne d’or d’Apulée écrites vers le milieu du IIe siècle après JC. Psyché est une jeune mortelle si belle qu’elle est comparée à Vénus, la déesse de la beauté et de l’Amour. Au point que les habitants du village désertent le temple de la déesse. Cette dernière jalouse, ordonne à son fils Amour de faire tomber Psyché amoureuse de l’homme le plus horrible, le plus ridicule, le stupide du village afin de la ridiculiser. Le dieu Amour, en lançant la fameuse flèche, frappe son propre pied et tombe follement amoureux de la belle Psyché, un amour fou qu’il ne peut contrôler. Aidé par Zéphyr, il enlève la jeune fille et la cache dans son palais. Là, les deux passent des nuits d’amour. Mais, Amour interdit à Psyché de le voir, il ne la rencontre que la nuit, dans l’obscurité. Psyché, une nuit, curieuse, alors qu’Amour dort, s’approche avec une lampe à huile. Elle voit son amant et elle a un sursaut, une goutte d’huile bouillante tombe sur la cuisse d’Amour qui se réveille et s’enfuit. Désespérée, Psyché erre sur toute la terre et finit par se livrer à Vénus. Psyché est soumise à des épreuves impossibles que, cependant, Psyché surmonte chaque fois grâce à des aides magiques. Pour finir, Jupiter, ému de compassion, réunit les amants et célèbre leurs noces suivies d’ un grand banquet.
Le plafond de la Loggia
La mort de Raphaël et d’Agostino Chigi, tous deux en 1520, à quelques jours près, a dû interrompre la décoration de la Loggia. Effectivement, les fresques du plafond racontent des amours célestes, il manque les amours terrestres qui auraient peut-être trouvé place sur les parois. En regardant le plafond, on voit au centre deux grandes fresques et tout autour une série de scènes plus petites incluses dans des triangles orientés dans un sens et le suivant dans l’autre. Les dix premières scènes, la pointe du triangle vers le bas, décrivent des moments importants du mythe d’Amour et Psyché. Les quatorze autres nous montrent des Cupidons, presque bébés prenant le trident à Neptune, le casque ailé de Mercure, flûte de Pan, la massue d’Hercule, le chien cerbère à Pluton. En un mot est l’amour triomphe sur tout. Toutes les scènes même celles au centre sont bordées de festons réalisés par Giovanni da Udine. Ces festons sont peuplés de fleurs, fruits, feuilles, 170 espèces végétales. Il y a des fruits qui viennent d’arriver des Amériques que personne n’avait encore vus. On y trouve des courgettes et du maïs du Mexique, des grenades et des coings de Perse, des cerises de Turquie, des pommes du Kazakhstan … En un mot le monde alors connu. Probablement vu sur les tables des banquets que le riche banquier organisait. Il y a aussi de nombreux fruits à l’aspect de phallus.
Les scènes du plafond
La première scène, au-dessus de la porte d’entrée, nous montre Vénus pointant du doigt Psyché à Amour qui tient la flèche. Amour serait de Raphaël, Vénus de Giulio Romano. Puis, continuant sur le côté long sans fenêtre, Amour suppliant les trois Grâces de l’aider à enlever Psyché, Vénus essaie de faire de Cérès et Junon ses alliées. Vénus se rend chez Jupiter par un char tiré par des colombes. Vénus supplie Jupiter d’envoyer Mercure annoncer que celui qui trouvera Psyché recevra sept baisers de sa part. Les quatre scènes liées aux épreuves que Psyché doit affronter pour se faire accepter de Vénus ne sont pas représentées. On voit alors Psyché tenant dans sa main une petite amphore avec le baume de beauté que lui a donné Proserpine. Ensuite, Psyché offre le baume à Vénus et Jupiter pardonne Amour. Les deux ont déposé les armes. La foudre de Jupiter est tenue par son aigle tandis que Cupidon tient la flèche vers le bas. Et pour finir, Mercure accompagne Psyché vers les scènes au centre de la voûte. Les peintres sont essentiellement Raphael, Giulio Romano, Giovanni Francesco Penni et Giovanni da Udine. Au centre les deux grandes fresques peintes comme si elles devaient donner l’impression d’étoffe protégeant les convives du soleil sont le Concile des Dieux et le banquet du mariage d’Amour et Psyché.
Les deux scènes centrales
Partant de droite, vers le fond, on voit les dieux maintenant réunis pour décider du sort de Cupidon et Psyché et la scène du banquet. On voit dans la première fresque de gauche à droite, Mercure qui offre à Psyché le nectar d’immortalité elle est maintenant une déesse. A l’autre bout, Cupidon devant Jupiter intercède pour sa bien aimée. Au centre en bas deux vieux barbus fort musclés se trouvent sont les personnifications du Nil et du Gange. Le Nil est à côté d’un Sphinx et du Gange appuyé sur un rocher. Parmi les autres personnages on reconnaît, Mars habillé d’une armure, les frères Neptune et Pluton avec des fourches. Dans l’épisode du banquet, on voit Amour et Psyché, au centre, assis au banquet des noces, alors que les Heures, aux ailes de papillon, éparpillent les fleurs et les Grâces répandent du parfum sur les convives. Sur le coin droit de la table se trouve Ganymède à genoux, il offre à boire à Jupiter assi à coté de Junon sa femme habillée d’une robe bleue. Les autres divinités sont représentées en couple, Neptune et Amphitrite, Pluton et Proserpine, Hercule et Hébé … Mais, Vulcain, l’air fâché, attend sa femme Vénus, Pan joue de la flute en l’honneur de Psyché. En 1693-1694 Carlo Maratta, a causé des dégâts provoqués par les intempéries alors que la loggia était ouverte a retouché les fresques. A cette occasion le plâtre a été renforcé avec 850 pointes de cuivre, les fonds bleus ont été repeints et les contours des personnages refaits. Les repeints ont, par la suite, été supprimés avec la restauration de 1930.
La salle de la Frise
La Sala del Fregio est à l’origine l’antichambre du bureau du banquier Agostino Chigi, parfois utilisée comme salle à manger pour des repas plus intimes. La salle de la frise doit son nom à la frise qui court le long du mur. La peinture est l’œuvre de l’architecte-peintre Baldassare Peruzzi. Peinte en 1508. Les sujets représentés sont une allusion allégorique aux vertus du patron de la maison. A droite de l’entrée, sur le mur nord, on peut voir les douze travaux d’Hercules. Sur le mur sud, se déroule un long cortège composé de créatures marines guidées par le char de Neptune. La cérémonie semble se dérouler le long d’une rivière, peut-être le Tibre représenté comme le dieu avec la corne d’abondance allongée à droite. Hormis la frise et l’architrave peint à fresque, il ne reste rien de l’époque d’or de la villa. Toutes les parois ont été maintes fois retravaillées. Parmi les interventions successives on compte notamment celle du duc de Ripalta. Le duc, à 1861 et 1863, en payant de sa poche, fait rafraîchir les dorures, peindre en d’autre tons le faux plafond et poser du papier sur les murs créant l’effet de rideaux peints en trompe l’oeil. On peut encore les voire sous la frise à caractère mythologique de Baldassare Peruzzi.
Le salon des perspectives
Le 28 août 1519, dans cette grande salle du premier étage se tient le mariage du banquier Agostino Chigi avec la jeune orpheline Francesca Ordeaschi. Cette pièce est un des premiers exemples de perspective en peinture qui va en inspirer bien d’autres. La salle tire son nom de la décoration de Baldassarre Peruzzi qui, en 1519, a peint des vues en perspective ouvertes sur les murs avec de fausses colonnades donnant sur des vues urbaines et rurales. Cette salle représente le prolongement idéal des loggias du rez-de-chaussée. À travers la fausse loggia, on voit des villages perchés, des vues sur la campagne, et en arrière-plan, sur fond de ciel clair, la ville avec l’église de Santo Spirito, une basilique romane près de la grande basilique de saint Pierre. On voit aussi le profil de la porte Settimiana avec ses créneaux. Aux cours des restaurations, entre les colonnes, est apparue une écriture en langue allemande, datant 1528 ; « Les lanzichenecchi ont fait courir le bon dieu ». Au-dessus des portes et des fenêtres dans des niches sont peintes en grisaille des divinités. Sous le plafond à caissons court une frise avec des scènes mythologiques inspirées aux Metamorphoses d’Ovide et sur la grande cheminée Vulcain travaille dans sa forge. (lire la suite)
La salle des Noces
Cette pièce est la chambre à couché de la villa. Les peintures sont l’oeuvre de Giovanni Antonio Bazzi autrement dit le Sodoma, un peintre né à Vercelli actif entre Sienne et Rome. Dés 1519, Sodoma, la quarantaine passée, aborde le travail avec l’aide Bartolomeo di David. On doit à Bartolomeo la bataille d’Issus sur le mur au-dessus des fenêtres. La tache n’est pas facile, Sodoma doit recréer la scène des Noces d’Alexandre à partir d’une ancienne peinture du peintre grec Aezione, dont il ne reste qu’une description faite par l’écrivain latin Lucien contenue dans le troisième paragraphe du dialogue Hérodote. Le banquier s’adresse à Sodoma, qui avait déjà travaillé pour le frère d’Agostino, Sigismondo Chigi car Raphael est pris avec la Loggia d’Amur et Psyché. La scène principale de la pièce reste la scène du mariage, avec l’héros macédonien en train d’offrir une couronne à Roxanne, assise sur un lit à baldaquin, entourée de Putti et de divinités. Les autres scènes sont la magnanimité d’Alexandre envers la mère, l’épouse et les filles du roi Darius, Alexandre et le cheval Bucéphale. On pense que cette dernière scène n’est pas de la main de l’artiste, elle a été peinte plus tard, elle est moins belle. On sait que l’artiste peignait au son des deniers. Il faut dire qu’il avait un train de vie très dispendieux et singulier. Selon Giorgio Vasari, Sodoma aimait s’habiller élégamment et de façon voyant. Il fréquentait des événements mondains auxquelles il participait accompagné de jeunes hommes ce qui lui a valu le surnom.
Le couloir des grotesques
Le couloir des grotesques est un élégant couloir logé à l’étage noble, à côté de la chambre à coucher. D’une longueur de 14 mètres, selon les experts, le couloir avait été créé pour garantir une certaine intimité et séparer l’espace des réceptions de la villa, le salon des Perspectives, de l’aile privée. Ce couloir est un accès discret à la chambre des Noces d’Alexandre, la chambre à coucher. Mais ce qui rend la galerie unique c’est le plafond en bois peint à grotesque. C’est tout à fait par hasard qu’en 1492, un jeune romain tombe dans une crevasse sur la colline du Monte Oppio en face du Colisée. Et c’est ainsi que l’on découvre la fameuse Domus Aurea, la somptueuse Maison dorée de l’empereur Néron, dont on peut encore voir les fresques du prestigieux Fabulus ou Fabullus ou Fabullo. Le personnage était tel qu’il peignait que quelques heures par jour vêtu d’une toge blanche. Cette découverte va attirer et inspirer de nombreux artistes. Malgré l’utilisation massive de ces motifs décoratifs, le couloir de la Villa Farnesina a une couverture en bois peint sur papier, qui vise à ressembler à une voûte en maçonnerie décorée de fresques. Elle a été restaurée récemment. Ce petit couloir a été pendant longtemps un endroit sombre au point qu’il était vraiment difficile d’imaginer que là-haut il y avait un tel décor.
Les autres chambres
Partout, dans les salles vues jusqu’à présent, résonne l’écho puissant d’un monde lointain. Un monde d’images fait de symboles, de mythes, de personnages antiques qui à la demande d’un homme déterminé et très riche, aidé par l’habilité d’artistes hors pair. Dans cette villa Agostino a su imiter les grands mécènes de l’Antiquité. Et là est le charme et la suggestion de la Villa. L’union entre le propriétaire et les œuvres picturales et architecturales de Baldassare Peruzzi, Sebastiano del Piombo, Raphaël et Sodoma, parmi les plus grands talents de la Renaissance. Les pièces qui suivent le couloir des Grotesques n’ont rien, à par les plafonds à caisson, du charmes des salles précédentes. C’est ici qu‘à partir de 1926 Mussolini a voulu installer l’Accademia Italia. Une institution culturelle qui devait gérer les initiatives culturelles du pays. C’est dans ces pièces, moins garnies qu’étaient installés les bureaux de l’institution. Ces salles sont ouvertes au public depuis 2009. Tout le long, des panneaux nous parlent de cette institution. On nous raconte aussi des différentes restaurations qui se sont déroulées aux cours des années a partir de la première fait par le peintre Carlo Maratta, fin du XVIIe siècle.
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Les jardins de la Farnesina
Au XVIe siècle, la Villa était entourée de merveilleux jardins qui finissaient harmonieusement dans la rivière. Ces jardins liés aux deux avant-corps latéraux de la façade du bâtiment, semblaient s’engouffrer dans la villa à travers la Loggia d’Amour et Psyché. Aujourd’hui, il ne reste qu’une petite bande au nord de l’ancien du jardin. D’ailleurs dans le passé les visiteurs entraient à la villa par la Loge de Psyché. Le jardin qui entoure l’entrée actuelle, côté sud, correspondait au jardin secret inspiré de l’Hortus Conclusus, séparé du jardin principal par de hautes haies. L’expression Hortus Conclusus est une expression biblique que l’on trouve dans le Cantique des Cantiques, c’est une louange de l’époux à l’épouse. Le jardin de représentance s’étendait au sud jusqu’à un tronçon des remparts d’Aurélien. Ces murs antiques du IIIe siècle sont le seul tronçon encore debout dans cette partie de la ville. On sait qu’au XVIe siècle les cyprès, les lauriers peuplaient les jardins. Mais on sait aussi d’acacia de Constantinople, d’agrumes, de cerisiers, de chênes verts, d’anciennes camélias, de myrtes qui ombrageaient les statues antiques, les sarcophages, les chapiteaux et les colonnes éparpillées ça et là.
Curiosités
Agostino Chigi avait 54 ans et il était au sommet de son pouvoir. Quelques mois plus tôt seulement, en août 1519, il avait épousé Francesca Ordeaschi. Un mariage scandaleux et révolutionnaire pour l’époque, car la jolie mariée était considérée comme une prostituée. Il l’avait rencontrée à Venise en 1511 encore enfant, il l’avait cachée dans un couvent à Rome où il la rencontrait avec la complicité des nonnes. Il l’avait marié pour la régulariser comme mère de ses enfants. Francesca Ordeaschi meurt très vite après la mort de son mari. Probablement empoisonnée par le frère de son mari. Il avait très mal pris ce mariage. Le banquet de noces avait été mémorable, mais les chroniqueurs de l’époque nous racontent celui de 1518, à l’occasion du baptême du fils aîné Lorenzo Leone. Alors les assiettes, les fourchettes, les cuillères et les coupes en or et en argent utilisés pour le banquet furent jetés dans le Tibre en signe de l’immense richesse. On dit aussi que l’habile banquier avait secrètement tendu des filets dans la rivière, pour récupérer ainsi la précieuse vaisselle. Lors des travaux pour la construction des berges du Tibre, on a mis à jour une magnifique habitation antique dont les fresques sont visibles au musée archéologique du palais Massimo, peut-être l’habitation de Julie la fille de l’empereur Auguste.
Notes
- Ouvert tous les jours du lundi au samedi de 9 heures à 14 heures et le deuxième dimanche du mois de 9 heures à 17 heures.
- Entrée 10 euros de 18 à 65 ans, 9 euros après les 65 ans, 7 euros de 10 à 18 ans. gratuit les moins de 10 ans.
- On peut inclure la visite de la Farnesina avec une découverte de la ville à travers la vie et les oeuvres de Raphael ou une découverte du Trastevere ou encore un parcours renaissance.
- Pour réserver vos visites écrivez à arterome2@gmail.com ou téléphonez de 18 à 21 heures au +39 3479541221.